Etudes histoires de Madagascar

Publié le par TANDEM

Madagascar - Ecrire au présent l'histoire

Essai d'une écriture du (et au) prése.

 

Ecrire l'histoire immédiate. Une chronique sous la responsablité des correspondants du programme Histoire et Actualités Politiques de l'Océan Indien Occidental :

  •  2009, Mars. Entretien de Denis Alexandre et Yvan Combeau. Réponses aux questions du journal Ouest France. Lire la suite..
·         Rajoelina, une carte française à Madagascar

 

Denis Alexandre et Yvan Combeaux, du Centre de recherches sur les sociétés de l'océan Indien (1),expliquent les dessous de la crise qui a renversé le président Marc Ravalomanana.

Entretien

Pourquoi Andry Rajoelina, désormais installé au pouvoir,a-t-il suspendu le Parlement hier ?

Il n'a qu'une association, « Les Jeunes Malgaches décidés ». Autrement dit, pas d'autre assise que le mouvement de la population d'Antananarivo et le basculement de l'armée, qui acculé Marc Ravalomanana à la démission mardi. Un sol mouvant. Avec ce coup de « shaker », il tente de recomposer le paysage.

Quels sont les appuis du nouveau Président ?

Son statut de « victime » de Marc Ravalomanana lui a valu une énorme popularité. Cela avait commencé bien avant son élection triomphale à la mairie d'Antananarivo en2007. Son entreprise contrôlait le marché des panneaux publicitaires dans la capitale, que convoitait la fille du Président. Le régime a fait de Rajoelina l'opposant numéro un et tous les mécontents (les entrepreneurs victimes des entreprises du Président, l'armée moins bien traitée que la police, les opposants politiques) se sont rassemblés derrière lui.

Est-il une marionnette de Didier Ratsiraka, l'autocrate déchu en 2002 ?

L'un des déclencheurs de la crise a été une interview de Ratsiraka (exilé à Neuilly) par Viva, la chaîne télé de Rajoelina, en décembre. Mais s'il y a eu alliance, elle était de circonstance, pour faire tomber Ravalomanana. Le clan Ratsiraka ne semble pas très content de la décision d'instaurer une Haute autorité pour la transition, ce qui renvoie les élections à deux ans.

Rajoelina a annulé la concession de 1,3 million d'hectares au groupe coréen Daewoo. C'est ce qui a fait chuter son prédécesseur ?

Rajoelina a su utiliser ce dossier à son profit. Pour les Malgaches, la terre est sacrée et l'aliéner est une faute impardonnable. Mais la location à Daewoo (pour 99 ans) ne fait que suivre d'autres affaires, dans lesquelles des sociétés appartenant à Ravalomanana ont accaparé des terres qui n'étaient ni bornées ni titrées, mais appartenaient depuis des générations à des familles malgaches.

Y a-t-il, derrière cette crise, une lutte d'influence entre la France et les États-Unis ?

C'est l'une des clés. Ravalomanana nourrissait, comme beaucoup, de la francophobie et une sympathie pour ce qui est américain. Il gardait rancune à la France de ne l'avoir pas soutenu (contre Rastiraka) en 2002. Des marchés publics ont échappé aux Français, au profit des Allemands, des Américains, des Chinois. Le conflit avait éclaté au grand jour, en juillet, avec le rejet de l'ambassadeur désigné par Paris. De là vient le soutien de la France à Rajoelina. Ce n'est pas un hasard, le nouvel ambassadeur de France est arrivé à Antananarivo le jour où il prenait le pouvoir. Et l'épouse de Rajoelina se trouvait dans le même avion.

Recueilli par Bruno RIPOCHE.

 

  • 2009, Mars. Eléments pour une chronologie de l'actualité malgache. ici
  • 2009, Février. Une analyse détaillée de l'actuelle crise politique

 

 

CRISE 2009, MADAGASCAR RATTRAPÉ PAR L'HISTOIRE


  2002-2009. Sept ans après, la Grande île renoue avec ses vieux démons. La rue se fait de nouveau entendre et réclame à sa façon, comme en 1991 et en 2002, l'instauration d'une vraie démocratie, le respect de la liberté d'expression, une pratique réelle de la bonne gouvernance et une meilleure répartition des richesses.
 
  Contrairement aux trois plus graves crises qu'a connues la Grande île depuis son indépendance, celle de 2009 est sans doute la plus meurtrière et dont les conséquences sur le plan socioéconomique sont les plus graves. L'on compte aux derniers bilans près de 200 morts depuis le début des évènements, le 17 janvier 2009 dernier. Ce jour-là expirait l'ultimatum lancé par Andry Rajoelina, maire d'Antananarivo, exigeant la réouverture par l'Etat de sa chaîne de télévision Viva, fermée le 13 décembre 2008 après avoir diffusé, comme d'autres chaînes de télévision privées de la place, un reportage sur l'ancien président Didier Ratsiraka, en exil en France depuis 2002.
La genèse d'une crise
  En réalité, cette décision aura été le coup bas de trop dans le conflit opposant le président Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, depuis qu'il a été élu maire de la capitale en décembre 2007 au détriment du candidat du parti au pouvoir, le Président de la délégation spéciale (Pds) sortant. La première année de mandat du jeune magistrat de la ville, totalement inconnu dans le microcosme politique national, n'est pas de tout repos face à un régime qui ne cesse d'intervenir dans la gestion de la ville en essayant par tous les moyens de déstabiliser la nouvelle équipe de la Commune.
  Dès le 14 décembre 2007, soit deux jours après l'annonce de la victoire officieuse de Andry Rajoelina et de son association Tgv (« Tanora gasy Vonona »), le gouvernement s'empresse de décréter l'abrogation de la nomination des chefs Fokontany par le maire. Une charge qui incombera désormais au préfet. Les bâtons dans les roues continuent. La capitale est, par exemple, reléguée à la cinquième catégorie dans le classement du Trésor public et perd son statut spécifique qui lui permettait jusque là de bénéficier d'une gestion autonome de ses ressources financières. Les subventions communales ne tombent plus qu'au compte, goutte empêchant la Commune urbaine d'Antananarivo (Cua) de mener à bien les grands travaux d'assainissement. Parfois, la mairie est carrément ignorée dans certaines de ses prérogatives comme ce fut le cas pour le remblai d'un terrain de 9 hectares sur la route digue menant à Ivato pour les besoins de la construction par l'Etat d'une usine de provende et de logements résidentiels. Et cela malgré la dangerosité d'une telle construction sur la plaine du Betsimitatatra. 
  Le maire encaisse jusque là et préfère chercher d'autres solutions. Il conclut ainsi divers partenariats étrangers qui permettent à la Commune de mener à bien ses missions. Mais le conflit perdure et Marc Ravalomanana lui-même déclare que le développement ne pourra se faire sans le régime. Il évoque d'ailleurs le « blocage » d'une enveloppe de 45 millions d'euros destinée aux adductions d'eau potable dans la capitale mais qui ne pouvait se faire face à l'attitude « non coopérative » du maire de la ville des mille. Les maintes rencontres entre les deux hommes au palais d'Ambohitsirohitra, officiellement pour parler du développement de la ville, ne suffiront pas à apaiser la tension car les coups fusent toujours, en l'occurrence la bataille de la gestion des ordures ménagères et l'assainissement de la ville.  La gestion de la gare routière d'Ampasampito est aussi enlevée à la Cua, qui a pourtant financé une bonne partie de la construction, au bénéfice de l'Agence de transport terrestres (Att) rattachée au ministère des transports qui décide de sa mise en concession. Andry Rajoelina, une forte personnalité malgré son visage de jeune premier et son manque d'expérience politique, est décidé à ne pas se laisser piétiner les platebandes dans son giron. Il commence à hausser la voix, use de son charisme et de ses talents de communicateur pour tirer la sonnette d'alarme sur le sort que subissent Antananarivo et sa population qui ont décidé de tourner le dos au régime en place, à sa manière. Et démocratiquement, en passant par les urnes. Sa liberté de ton ne laisse pas insensibles les opposants, du moins ceux de la capitale qui voient en lui un challenger valable pour combattre Marc Ravalomanana. Là où tous ont échoué pendant sept ans.
Premiers pas dans la politique
  C'est à ce moment-là que Andry Rajoelina effectue ses premiers vrais pas politiques « obligés », selon ses propres termes. Il est accueilli comme un héros par une partie des ténors de l'opposition à l'hôtel La Rotonde, à Besarety, le mercredi 17 décembre 2008. Il devient alors le catalyseur et en même temps le rassembleur d'une opposition ankylosée par des luttes intestines et incapable de s'unir face à un adversaire commun. Le maire dissout son cabinet et s'entoure de personnages politiques connus comme Ny Hasina Andriamanjato et Elia Ravelomanantsoa, deux candidats aux élections présidentielles de 2006.
  La question de l'accueil du prochain sommet de l'Union africaine par Madagascar en juillet 2009 finit d'achever tout espoir de réconciliation entre les deux parties. La commune urbaine d'Antananarivo est écartée de l'organisation et du protocole de l'évènement au bénéfice d'Ivato-Firaisana et d'Ivato aéroport, les deux communes mitoyennes de l'hôtel cinq étoiles, du Centre de conférence internationale et des 54 villas présidentielles. Le divorce est totalement consommé lorsque le maire décide de ne pas se rendre aux cérémonies de présentation de vœux au couple présidentiel, à Iavoloha, le vendredi 9 janvier 2009. Un geste que le chef de l'Etat considère comme l'affront ultime et un manque de respect profond de la part de Andry Rajoelina. 
  De retour de France où il a passé Noël et le nouvel an en famille, Andry Rajoelina relance son ultimatum mais le pouvoir répond par une fin de non recevoir. Le président Marc Ravalomanana renvoie lui-même la question au maire et affirme lors de sa visite de l'hôpital Befelatanana qu' « il ne peut exister un petit Etat dans l'Etat ». Le maire riposte alors et décide d'organiser un grand meeting au jardin d'Ambohijatovo, rebaptisé « Place de la démocratie », le samedi 17 janvier 2009.
  Cette fois, Andry Rajoelina va plus loin dans ses critiques envers le régime et dénonce tour à tour les dérives du pouvoir qu'il considère comme de plus en plus despotique et dictatorial. Il évoque notamment le projet de vente de 1,3 millions d'hectares de terrain agricole à la société sud-coréenne Daewoo logistics, l'achat de l'avion présidentiel « Force II » - dont la moitié du prix serait à la charge du chef de l'Etat en personne, comme l'avait affirmé Haja Nirina Razafinjatovo, ministre des finances et du budget- l'emprisonnement de politiciens, l'atteinte à la liberté de presse et d'expression, la spoliation des richesses nationales par un groupuscule au pouvoir, la paupérisation de la population, etc. Lors de son allocution à la Place de la démocratie devant plus de 20 000 personnes, il réclame alors la démission de deux ministres : celui des finances, et celui de l'aménagement des territoires.
  Ce premier mouvement est complètement ignoré par les partisans de Marc Ravalomanana. Mais une semaine après, le samedi 24 janvier, Andry Rajoelina crée la surprise et arrive à réunir près de 40 000 personnes à Ambohijatovo, devenu trop exigu pour accueillir tout ce monde. Cette foule « Orange » se lève alors comme un seul homme et part rejoindre en contrebas l'Avenue de l'Indépendance vers la Place du 13 mai. Requinquée par cette petite victoire, l'équipe de Andry Rajoelina, constituée de ses collaborateurs à la Commune et rejoints par quelques ténors de l'opposition, annonce la poursuite du mouvement et appelle l'assistance à revenir sur le site dès le lundi suivant.
Démonstration de force
  Le camp du pouvoir est pour la première fois conscient de la mauvaise tournure que pourrait prendre le mouvement de contestation lancé par le maire. En guise de contre-attaque, le parti présidentiel, Tiako i Madagasikara (Tim), fait tourner la grande machine pro-Ravalomanana et organise le dimanche 25 janvier 2009 un accueil triomphal au chef de l'Etat à l'aéroport d'Ivato, à son retour précipité d'Afrique du sud où Marc Ravalomanana aurait dû assister à l'ouverture, le lundi suivant, d'une réunion de la Sadc. Un cortège de milliers de partisans- Tim est formé de l'aéroport au palais d'Ambohitsirohitra pour applaudir le passage du président. La démonstration de force a commencé.
  Si l'heure est à l'euphorie pour le camp du président dont les images tournent en boucle sur les chaînes radio et télé proches du régime, c'est par contre l'alerte générale du côté de « Tgv ». « L'Etat aurait décidé de prendre par la force l'émetteur radio de Viva ». Le bruit a vite circulé dans la ville en cette fin de soirée. Le camp Rajoelina évoque pour la première fois l'utilisation par Marc Ravalomanana d'un commando étranger pour mener la mission et appelle à l'installation des barrages par les comités de vigilance de quartier, les « Andrimasom-pokonolona » sur les axes menant à la station- relais d'Ambohimitsimbina. La radio du maire transmet en direct simultané la progression de l'équipe envoyée pour enlever le matériel de Viva. Une mission accomplie vers 3 heures du matin après que les éléments du commando aient lancé un assaut aux grenades.
  Lundi 26 janvier. Comme prévu, les partisans de Andry Tgv inondent la Place du 13 mai, une foule estimée à 25 000 personnes. Le brûlot du maire contre le président devient de plus en plus menaçant. Andry Rajoelina de réclamer au micro, entre autres, la libération des trois étudiants appréhendés pendant le week-end sur le campus d'Ankatso dans le cadre de l'affaire de jets de grenades dans quelques ministères, le jeudi d'avant. C'est sans aucune résistance des forces de l'ordre que cette énorme masse de gens, conduite par le maire, se déplace vers le quartier administratif d'Anosy. La marche s'arrête devant le Tribunal, mais au même moment, les chaînes de radios annoncent la libération provisoire des trois prévenus.
Le maire regagne Analakely mais à Anosy, le mouvement dégénère et des éléments incontrôlés saccagent et mettent le feu aux locaux de la télévision (Tvm) et de la radio nationale (Rnm). La manifestation rejoint ensuite Anosipatrana où se trouve la station audiovisuelle du président. Les forces de l'ordre tirent et un manifestant tombe, mort sur le coup. La radio et la télé Malagasy broadcasting system (Mbs) appartenant à la famille présidentielle, sont aussi pillées et incendiées. D'autres casses sont annoncées au même moment un peu partout dans la capitale, dans les principaux quartiers commerciaux jusqu'à Ivato où des gens s'acharnent sur l'abattoir, devenu la propriété des proches du président, la société japonaise de Btp, la Daiho corporation, qu'ils confondent avec la sud coréenne Daewoo, et même l'hôtel cinq étoiles en pleine construction.
« Lundi noir »
  Mais la plus grande victime de cette journée, qualifiée de « lundi noir », est sans conteste les sociétés Malagasy grossistes (Magro), la branche grande distribution du groupe Tiko fondée par Marc Ravalomanana. Ses trois magasins et centres de stockage dans la capitale (Tanjombato, Ankorondrano et Behoririka) sont pillés et incendiés. Les pilleurs mettront plus de 24 heures pour prendre jusqu'aux derniers sacs de riz, de farine, de sucre, d'huile alimentaire et d'autres produits de première nécessité en tout genre. D'autres centres commerciaux font aussi les frais des pillages qui ont fait au total une cinquantaine de morts dont la plupart ont été ensevelis sous des sacs de riz ou ont péri dans l'incendie de certains grands magasins.
  Les saccages ont fait tâche d'huile dans les 48 heures suivantes et les Magro d'autres villes comme à Antsirabe, Antalaha, Sambava, Toamasina, Mahajanga, Fianarantsoa, Manakara et Toliary sont aussi pris d'assaut, pillés et incendiés. Comme à Antananarivo, les forces de l'ordre ne sont pas intervenues, « à mon ordre, pour éviter un bain de sang », déclare le président Marc Ravalomanana à Anosy, le 27 janvier, lorsqu'il se rend à la Tvm et à la Rnm pour constater l'étendue des dégâts. Il annonce, à l'occasion, des mandats d'arrêt à l'encontre du général en retraite, Dolin Rasolosoa, directeur de cabinet de la Cua et de Roland Ratsiraka, ancien maire de Toamasina, neveu de Didier Ratsiraka et candidat à la dernière présidentielle de 2006, qu'il accuse d'être derrière ces troubles.
  C'est à ce moment que les représentations diplomatiques montent pour la première fois au créneau. Marc Ravalomanana révèle l'aide de la France dans la poursuite des deux personnalités sus citées mais la représentation française, appuyée par Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, dément et affirme sa volonté de « rester neutre dans la crise ». Le président de la République entame alors une tournée dans les régions touchées par le mouvement pour apporter l'apaisement et dénoncer « des actes concoctés à partir d'Antananarivo » comme il le dit à Antsiranana, le mercredi 28 janvier. La veille, mardi 27 janvier, Andry Rajoelina s'autoproclame « Président de la Haute autorité de transition », face au chaos qui s'installe dans la capitale et dans quelques grandes localités du pays et annonce la création d'un gouvernement de transition.
  Andry Tgv ne quitte plus le 13 mai pour des meetings quotidiens jusqu'à ce samedi sanglant où il annonce Monja Roindefo comme Premier ministre. Ce 7 février, la foule du 13 mai décide d'installer « son premier ministre » au palais présidentiel d'Ambohitsirohitra. Après une attente de plusieurs heures sur les hauteurs d'Antaninarenina et quelques minutes de négociations, le barrage de l'Etat major mixte opérationnel national (Emmo-nat) cède et la foule d'avancer. C'est sans sommation que la garde présidentielle tire dans le tas faisant 51 morts et une centaine de blessés.
  Chaque camp se rejette la responsabilité du carnage. Marc Ravalomanana lui-même annonce l'ouverture d'une enquête indépendante. Andry Rajoelina, lui, appelle la population à une pétition nationale pour condamner cet acte. Les condamnations pleuvent, à commencer par le Secrétariat des Nations unies qui envoie un émissaire pour observer la situation malgache qui interpelle désormais l'opinion internationale. La France dépêche sur place son secrétaire d'Etat à la coopération et à la Francophonie et la Commission de l'océan indien pour une mission d'évaluation. La Communauté de développement de l'Afrique australe (Sadc) et l'Union africaine envoient également des émissaires dont Amara Essy, l'un des initiateurs des accords de Dakar, en 2002. Le Conseil national des églises chrétiennes (Ffkm), la société civile et certains partis politiques en appellent au dialogue mais ne seront pas entendus. Faute d'avoir pu influencer le pouvoir pendant ses sept années de règne, ces entités sont quelque peu discréditées aux yeux d'une partie de l'opinion publique. Lundi 9 février, Cécile Manorohanta, ministre de la défense nationale démissionne. Le reste du gouvernement reste en place. La première femme et personnalité civile à diriger l'armée est remplacée par le Vice- amiral Mamy Solofoniaina Ranaivoniarivo, ancien directeur de cabinet militaire d'Ambohitsirohitra.
Bras de fer
  Le bras de fer atteint maintenant son comble. L'Etat décrète la destitution du maire Andry Rajoelina et instaure une délégation spéciale à la tête de la ville. Andry Rajoelina riposte en nommant à son tour maire par intérim son adjoint, Michèle Ratsivalaka. Les principaux responsables de l'armée dont le Chef d'Etat major général de l'armée (Cemgam) sont tour à tour limogés et remplacés en l'espace de quelques jours. De son côté, le Tim organise une démonstration de force et tient des manifestations au stade municipal de Mahamasina où sont réunis près de 40 000 partisans transportés de tout le pays. Objectif : « démontrer le capital sympathie toujours intact du chef de l'Etat ». Andry Rajoelina, lui, poursuit la nomination des membres de son gouvernement de transition sur la Place du 13 mai. Il fait monter d'un cran la tension et annonce le samedi 16 février l'installation de ses ministres dans les ministères, déjà évacués par ses occupants et gardés par les forces de l'ordre et des gardes civiles.
  En coulisse, le Ffkm et l'envoyé spécial des Nations Unies sont arrivés à convaincre les deux parties de se rapprocher via deux délégations au siège de l'épiscopat malgache, à Antanimena. Sur le terrain, le camp Rajoelina met une semaine pour s'emparer de quatre ministères, pacifiquement. L'Emmo ne veut pas utiliser la force après l'épisode noire du 7 février, sauf pour contenir les casses. Mais le lendemain matin à 3 heures, le vendredi 20 février, les forces de l'ordre lancent à l'aide de véhicules blindés l'assaut sur les quatre ministères, gardés par les réservistes venus à la rescousse du camp Tgv. Quelques jours auparavant, les six plus hauts gradés des armées rencontrent le président Marc Ravalomanana, à Iavoloha. Une faveur qu'ils ne donneront pas à Andry Rajoelina qui les a pourtant invités.
  Comme en 1972, 1991 et 2002, l'armée fait partie intégrante de la crise. Cette fois encore, elle est balancée entre la légalité et la légitimité sous les influences de la prise de position de certains hommes étoilés en retraite ou encore en fonction. Un collectif de jeunes officiers supérieurs dont la plupart sont des officiers de commandement, les bras exécutifs de l'armée, a même menacé de prendre en charge le règlement de la crise devant la démission de leurs aînés. Rappelant au passage la situation de 2002 qui a abouti à la scission de la Grande muette et le début de la fin pour l'Amiral Didier Ratsiraka. La veille de la reprise des ministères dans les quartiers administratifs d'Anosy et d'Ampefiloha, tous les chefs de groupements militaires ont été également reçus par le chef de l'Etat au palais d'Iavoloha. L'idée d'un directoire militaire, comme en 1972, fait son chemin pour sortir de la crise. Mais rien n'est décidé par les militaires jusqu'à ce jour quant à une solution militaire à cette crise qui commence à durer.
  Par ailleurs, les tensions ne faiblissent pas dans les régions. Très au fait de l'évolution de la situation dans la capitale grâce à des systèmes de communication de plus en plus évolués (Internet et téléphonie mobile) par rapport aux autres années de crise, les opposants locaux- tout aussi montés contre la mauvaise gestion économique et les dérives démocratiques du régime- retrouvent du poil de la bête et intensifient les mouvements anti-Ravalomanana. C'est le cas surtout dans le nord (Antsiranana, Nosy Be, Ambanja) et la partie sud du pays (Toliary, Fianarantsoa, Anstirabe) mais aussi dans le sud-est (Mananjary, Manakara, Farafangana) et dans l'est (Toamasina, Fenoarivo est) où les manifestations se multiplient dans les différentes places de la démocratie nouvellement baptisées ainsi pour emboîter le pas à la capitale. Mais contrairement à Antananarivo, les meetings sont dispersés par la force et l'arrestation des opposants plus aisés. Les émeutes dans les régions ont fait aux derniers bilans officieux une douzaine de morts dont la plupart à Toliary, Antalaha et Manakara.
  Bref, le mouvement de contestation dirigé par Andry Rajoelina dépasse, de loin, la seule place de la capitale. Il s'étend dans les chefs lieux des anciennes provinces et dans la plupart des autres villes du pays.
Les églises, principales médiatrices
  C'est dans ce contexte que se poursuivent les négociations sous l'égide principale du Ffkm. Les deux parties ont des points de vue diamétralement opposés. La délégation représentant Marc Ravalomanana campe sur le respect de la légalité et de la Constitution, ne reconnaît qu'un seul président, en l'occurrence celui en place et refuse de discuter toute idée de transition. En face, le camp Rajoelina exige une haute autorité de transition et le départ sans condition du chef de l'Etat, aux mains tâchées de sang des victimes du 7 février notamment. Une semaine après les premières discussions, c'est le statu quo. Le ralentissement, voire l'arrêt des activités ministérielles, dû aux meetings pacifiques destinés à installer chaque « ministre » de la transition de Andry Rajoelina est réel. Des gardes civiles recrutées pour l'occasion assurent avec les forces de l'ordre la protection de ces ministères, vidés de ses occupants. Le jeudi 19 février, le camp du 13 mai arrive à installer quatre ministres mais quelques heures plus tard, ces ministères sont repris par la force. 
  Le président Ravalomanana se déclare publiquement être toujours prêt au dialogue mais campe sur sa position et fait même monter d'un cran la pression en arrêtant Jean Théodore Ranjivason, ancien ministre du gouvernement de Jacques Sylla et redevenu membre influent de l'opposition. Bruno Betiana, ancien sénateur et Tabera Randriamanantsoa, ancien député- tous les deux membres du Comité pour la réconciliation nationale (Crn)- sont aussi arrêtés à Toamasina lors d'un rassemblement, le jeudi 19 décembre. Andry Rajoelina menace cette fois de quitter définitivement la table des négociations. 
  Mais les deux protagonistes, sous l'intense pression du Ffkm et de la communauté internationale, décident de se rencontrer en face à face, le samedi 21 février au siège de l'épiscopat à Antanimena, soit plus d'un mois après le début de la crise. Chaque camp conditionnant les pourparlers en posant des préalables. La poursuite des négociations dépendent de cinq conditionnalités : l'arrêt des manifestations, l'arrêt des provocations et des désinformations sur les radios des deux parties en conflit, l'arrêt des arrestations à connotation politique, l'arrêt des violences et des pillages. Ces préalables sont établis afin de créer un terrain favorable aux discussions que chaque camp décide de poursuivre pour sortir de la crise et revenir à la paix sociale, politique et économique.
  A ce stade de la situation, trois hypothèses s'ouvrent. Le premier est l'acceptation par Marc Ravalomanana d'une idée de transition via la signature d'une Convention nationale, le second consiste à l'entrée en lice des militaires par le biais d'un directoire. La troisième piste amène tout droit vers le chaos car ni les Nations Unies ni le Ffkm ne cachent leur appréhension sur l'éventualité d'une guerre civile au cas où aucune issue n'est trouvée. Sur le plan économique, la population subit la flambée des prix des denrées alimentaires et des produits de première nécessité surtout après la mise à sac des magasins Tiko et Magro qui assurent presque la totalité de l'approvisionnement de la Grande île. La situation fait ainsi éclater au grand jour le monopole des entreprises des proches du chef de l'Etat dans le secteur de l'agroalimentaire et de la grande distribution ainsi que l'amalgame entre les affaires du président et les affaires nationales.
  Les émeutes et les pillages de magasins, selon les estimations provisoires, ont fait près de 15 000 chômeurs de plus. Une centaine d'entreprises sont en chômage technique dans tout le territoire. Les dégâts sont évalués à plus de Ar 500 milliards, rien que dans la capitale. 90% des réservations touristiques ont été annulées pour le premier trimestre 2009. Bref, c'est tout le climat des affaires qui est menacé à plus ou moins long terme. La situation socioéconomique malgache n'est donc pas des plus prometteuse pour les mois à venir. D'autant plus que la Grande île subit également de plein fouet les impacts de la récession économique mondiale. Plusieurs secteurs dont l'aquaculture, le tourisme et le textile sont actuellement victimes de la baisse des commandes des grands pays exportateurs comme les Etats-Unis et l'Europe.
  Une crise financière mondiale qui oblige aussi les bailleurs de fonds traditionnels comme le Fonds monétaire international (Fmi) ou la Banque mondiale à être particulièrement regardants sur la gestion des aides budgétaires. Les autres années, les dépassements budgétaires et les dépenses extrabudgétaires passent bon an mal an devant les Conseils d'administration de Bretton Woods, à coup de loi des finances rectificatives. Cette fois, le cadre de partenariat qui réunit les principaux financiers de la Grande île montre du doigt directement la mauvaise gestion des finances publiques pour la fin de l'année 2008. Et le manque de transparence, notamment en ce qui concerne l'achat de l'avion Force one II. Par conséquent, une partie des aides financières destinées à Madagascar dans le cadre du Fonds de réduction de la pauvreté et pour la croissance (Frpc) est gelée, soit une enveloppe de Usd 35 millions. 
  
  L'objectif d'atteindre une croissance économique, 8,2% cette année est d'ores et déjà compromis surtout si la crise est amenée à durer plusieurs mois comme ce fut le cas en 1991 et en 2002 avec le blocage total de l'administration et de toutes les activités économiques. Un paradoxe car chaque trouble est intervenu au moment où l'économie est en nette croissance. Mais cette fois-ci, incontestablement, est loin de profiter à l'ensemble de la population dont les conditions d'existence ne cessent de se détériorer et qui se trouve en dessous du seuil de la pauvreté, situation que le pays n'a pas connu jusque là. Depuis 2002, Madagascar connaît une croissance économique, certes, soutenue, de l'ordre de 6% par an en moyenne, soit le même taux que des pays comme l'Inde, mais que d'inégalité sociale. Les Malgaches ne peuvent que déplorer la mort de la démocratie, aussi bien lors des élections que dans leur vie quotidienne. Les coups lancés contre la télévision Viva n'ont été que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Les Malgaches n'en peuvent plus de supporter un régime qui a déçu la plupart d'entre eux.

 

 

  •  2009, Janvier.

Loi sur les partis politiques à Madagascar


L'actualité malgache de ces dernières semaines est marquée par les débats, passionnés et passionnants, sur la future loi régissant les pratiques politiques à Madagascar en général et les partis en particulier.
Notons que la classe politique malgache réclame une telle mesure depuis plusieurs années. L'objectif étant d'établir une « éthique » dans les jeux politiques malgaches afin d'éviter les crises décennales dont le pays est habitué depuis l'indépendance.
Quelques points essentiels ont été particulièrement évoqués : le financement des activités politiques, le système de partis (le but est de réduite le nombre qui se chiffre actuellement à plus de 160), la place de l'opposition, la transhumance des hommes politiques, la forte tendance à la scissiparité des formations politiques, la place de la société civile...
Déjà, pendant les cinq premières années de cette décennie 2000, quelques rencontres ont été organisées dans ce sens, organisées soit par des formations politiques (en particulier le Leader Fanilo), soit par des organismes non étatiques (notamment la FES). Il y a quelques années, la Fédération des Églises chrétiennes malgaches (FFKM) a proposé un projet de loi dans ce sens. Mais finalement, le Parlement unicolore, dominé par le parti présidentiel, Tiako i Madagascar, refuse de le faire figurer sur l'ordre du jour des sessions parlementaires. En fait, le point commun entre ces différentes propositions, ce qu'elles viennent soit de la société civile soit des partis d'opposition.

La principale particularité des débats de ce dernier mois réside ainsi dans le fait que l' « idée » vient du président de la République. L'histoire retiendrait qu'elle a « germé » lors du récent dialogue présidentiel pendant lequel l'État a convoqué toutes les « forces vives » de la nation pour débattre du projet de société que l'actuel locataire du Palais d'Ambotsirohatra veut promouvoir dans le pays et notamment le Madagascar Action Plan.
Ainsi, sur la recommandation du chef de l'Etat, le Gouvernement a préparé une proposition de loi sur les partis politiques. S'ensuivent des rencontres avec différents acteurs de la vie politique malgache. Ainsi, la société civile, sous la houlette de la Médiatrice de la République et du Grand Chancelier, a été sollicitée pour apporter leur vision sur cette réforme politique. Finalement, le 17 Décembre, une grande réunion des partis politiques s'est tenue au Palais d'Etat d'Iavoloha pour que chacun puisse donner leur préposition.
Mais un fait a retenu l'attention des observateurs : la réunion n'a finalement regroupé que le parti présidentiel et des formations politiques (souvent des groupuscules dépourvus d'une base réelle) proches du pouvoir. Quant à l'opposition, elle a brillé par son absence. Cette politique de « chaise vide » - dont elle a le secret depuis la mise en place du Régime Ravalomanana -, s'explique, selon elle, par la « mauvaise foi » de ceux qui sont au pouvoir. Ainsi, elle ne croit pas à la volonté de l'Etat de construire une base solide à la démocratie malgache. Au contraire, elle voit, dans cette loi sur les partis politiques, une mesure liberticide et antidémocratique. Certaines réalités de l'échiquier politique semblent corroborer cette vision.

D'abord, l'esprit dont on a élaboré cette future loi laisse penser qu'au lieu de promouvoir la pluralité des idées, il semble bien que celle-ci « légalise » la « pensée unique ». En effet, si on analyse les discours des dirigeants actuels, il semble que ce futur texte doit répondre aux « exigences » de développement initié par l'Etat et notamment dans la mise en application du Madagascar Action Plan. L'idée serait donc de mettre en place une ossature juridique qui encadrera les activités politiques à Madagascar afin qu'elles n'entravent pas la marche vers le développement socioéconomique tel qu'elle est initiée par l'Etat. En théorie, une telle conception est louable. Mais, elle porte un risque grave quant à la liberté politique et notamment à la liberté d'expression dans le pays. En d'autres termes, les jeux politiques se trouveraient limités et c'est le pouvoir - en même temps juge et partie - qui définirait les limites. Déjà, un premier « incident » s'est produit le 13 Décembre, à quelques jours de la réunion d'Iavoloha. En diffusant un discours de l'ancien président de la République, Didier Ratsiraka, en exil à Paris, la station de télévision, VIVA, appartenant au maire de la capitale, un adversaire politique déclaré du parti au pouvoir, est fermée. De cette décision, même un allié politique du régime, comme le parti AVI, décide de boycotter la réunion d'Iavoloha.
Ensuite, dans la manière dont on a conduit les discussions sur cette future loi. En effet, les contenus de la proposition du Gouvernement ont été tenus secrets jusqu'au jour de la réunion. Une bien fâcheuse méthode de mener un débat sur un texte qui se veut fondamental dans la future évolution politique de Madagascar. Il en résulte des suspicions dans la classe politique notamment de l'opposition et de la société civile expliquant leur non-participation.
D'ailleurs, les observateurs politiques ne pensent pas que cette loi impulsera plus de démocratie dans le pays. Malgré les discours des dirigeants actuels selon lesquels elle mettra fin au Front National pour la Défense de la Révolution (FNDR) afin que toutes les forces vives de la nation participent à la vie politique, certains doutent. En effet, il semble bien qu'en limitant artificiellement le nombre des partis (selon le Chef de l'Etat, il devrait être entre trois et cinq : opposition-centre-majoritaire, s'y ajoute éventuellement les « extrêmes »), un nouveau FNDR serait créé et seuls les partis qui acceptent d'entrer dans ce système de partis seraient autorisés à participer aux activités politiques (notamment aux élections) et recevoir les financements de l'Etat. Déjà, les hommes du pouvoir répètent à volonté que la loi sera appliquée à tous même si seuls les partis qui lui sont favorables la cautionneront.
Enfin, de la réunion d'Iavoholo, un autre fait a occulté les tenants et aboutissants des discussions : l'éventualité d'une retouche de la Constitution. En effet, les participants, arguant l'urgence et l'importance de ce texte législatif, se sont mis d'accord pour l'inscrire dans la Loi fondamentale. Plus d'uns posent alors la question si une telle réforme nécessite un tel moyen. On soupçonne, non sans raison, que finalement l'objectif des dirigeants serait, en fait, de toucher à la Constitution pour y introduire des éléments lui permettant de monopoliser le pouvoir. Mais ils ne voudraient pas convoquer un référendum de peur de le perdre ou de se compromettre dans des actions tendant à les discréditer (notamment la manipulation du vote). La difficulté socioéconomique étant, il n'est pas certain que les électeurs voteraient en faveur d'une retouche de la Constitution notamment si celle-ci renforçait le pouvoir de l'exécutif (on évoque, de plus en plus, la mise en place d'un régime présidentiel fort avec la suppression du poste de Premier ministre ainsi que la non-limitation des mandats du président de la République). Ainsi, les dirigeants actuels voudraient bien « profiter » de cette loi sur les partis politiques pour convoquer une session extraordinaire du Parlement afin de se tailler une Constitution à leur profit. Ainsi, tous ces débats sur le futur texte sur les pratiques politiques seraient faux. L'essentiel serait ailleurs : perpétuer l'hégémonie du parti présidentiel à Madagascar. Le proche avenir en témoignera. Dada A.

 

2009. Février

 

Un regard extérieur sur la situation malgache (source : swissinfo.ch/ l'actualité suisse dans le monde) ;

"Orange révolutionnaire. Depuis samedi, les événements se sont précipités avec une rapidité qui tranche avec la modération et la tradition pacifique des Malgaches. Après une grande manif où la foule portait la couleur orange, un peu comme lors de la « révolution orange » en Ukraine (2004), la journée de grève générale de lundi a tourné à l'émeute à Tana : immeuble de la TV d'Etat détruit et pillé, centres commerciaux attaqués, centrales d'achat du groupe agroalimentaire Tiko et télévision privée liées au président saccagées, violences engendrant la mort de plusieurs civils. Rentré d'urgence de l'étranger pour « sauver la république », le président Ravalomanana a sitôt tenté de désamorcer la crise en appelant au rétablissement de l'ordre, au calme et à l'ouverture de discussions avec ceux qui réclament la démission du pouvoir.
Apaisement relatif. C'est ainsi que le jeune maire de Tana (34 ans), surnommé « TGV » car réputé fonceur, a suspendu hier les manifestations en proposant à son tour de « discuter » avec le président. Mais la traînée de poudre ne s'est pas pour autant éteinte d'elle-même. Selon l'un des rares sites d'information encore ouverts (sobika.com), les attaques ou pillages se sont étendus à divers points du pays : de Nosy Be (nord) à Tuléar (sud) en passant par Antsirabe (centre). Autrement dit, une réaction en chaîne traduisant les maux profonds dont continue de souffrir la société malgache.
Scénario à fortes similarités. L'histoire, en effet, semble étrangement se répéter. En 2002, le maire d'alors d'Antananarivo (Ravalomanana) parvenait, après des élections confisquées par l'ancien président Didier Ratsiraka, à faire tomber ce dernier au terme de plusieurs mois de manifestations parfois violentes. Scénario à fortes similarités, aujourd'hui, avec un maire de la capitale, lui aussi chef d'entreprise, accusant le président en place de « dictature », de déni de démocratie et de gaspillage des fonds publics. Autant d'anathèmes rappelant le début 2002.Selon les médias malgaches, l'éruption actuelle doit beaucoup au choc des « ego », entre le président et Rajoelina, chef de l'opposition élu sur une liste indépendante du tout-puissant parti présidentiel (TIM). Mais pas seulement. Sept ans après son élection, le président chef d'entreprise milliardaire n'a pas réussi à contrer l'appauvrissement général de la population.
Régime libéral. De grands travaux spectaculaires (réseau routier, écoles) ont certes amélioré l'infrastructure du pays. La lutte contre la corruption, symbolisée par le « Bianco » (Bureau indépendant anticorruption) et l'Observatoire national de l'intégrité, a désormais pignon sur rue. Des pôles de croissance ont été mis en place avec la Banque mondiale. Mais l'inflation frappe et les Malgaches ont la sensation d'être plus démunis que jamais. En outre, en libéral admirateur des Etats-Unis, Ravalomanana a cherché à attirer les investisseurs. Mais l'un des résultats tangibles consiste en des accords avantageux pour les sociétés étrangères exploitant le secteur minier. Autre concession, fustigée par le maire d'Antananarivo : la « spoliation » des terres malgaches. Ainsi, un gigantesque projet d'utilisation de terres arables pour les besoins alimentaires de la Corée du Sud a été accordé au conglomérat Daewoo. Un comble, pour beaucoup, dans un pays agricole mais qui ne parvient pas à l'autosuffisance en riz...Autant dire que sept ans après, l'homme qui avait mis fin à la dictature se retrouve devant une contestation frontale et une profonde amertume. Celle d'une population à la patience légendaire, mais excédée de voir son pays géré comme une entreprise au profit, apparemment, d'une minorité et au détriment de l'immense majorité des habitants." swissinfo, Pascal Baeriswyl /La Liberté

 

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<br /> <br /> slik et vakkert språk, er det ikke nok å beskrive disse to fargene så fantastisk, eterisk i hvitt bunn kontrast, hele skoen mer lys VAKKER.<br />
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